Parties communes et privatives : délimitation, entretien et responsabilités

La distinction fondamentale en copropriété

La copropriété repose sur une division de l'immeuble en parties privatives (appartenant individuellement aux copropriétaires) et parties communes (appartenant indivisément à tous). Cette distinction détermine qui paie quoi et qui décide de quoi.

Les parties privatives

Ce sont les éléments réservés à l'usage exclusif d'un copropriétaire.

Définition légale

Selon l'article 2 de la loi du 10 juillet 1965, les parties privatives comprennent "les parties des bâtiments et des terrains réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé".

Composition classique

L'intérieur de l'appartement : revêtements de sol, cloisons non porteuses, peintures, plafonds, portes intérieures. Les équipements privatifs : cuisine, salle de bain, WC privatifs, radiateurs (sauf dans certaines copropriétés anciennes). Les annexes : cave, parking, balcon (avec nuances), combles au-dessus de l'appartement si aménagés.

Les cas ambigus

La porte d'entrée du lot : souvent considérée comme commune pour l'extérieur (esthétique du palier) et privative pour l'intérieur. Les fenêtres : généralement communes car elles participent à l'esthétique de la façade, même si l'entretien intérieur incombe au copropriétaire. Les canalisations : la partie traversant le lot est privative, mais si elle sert plusieurs lots, elle devient commune.

Les parties communes

Elles appartiennent à tous les copropriétaires indivisément, chacun à proportion de ses tantièmes.

Les parties communes générales

Le sol (terrain sur lequel est bâti l'immeuble), le gros œuvre (fondations, murs porteurs, planchers), la toiture et les charpentes, les façades (même les garde-corps de balcons privatifs), les couloirs, halls, cages d'escalier, les équipements collectifs (ascenseur, chaufferie, local poubelles).

Les parties communes spéciales

Certaines parties communes ne servent qu'à une partie des copropriétaires : l'ascenseur ne sert pas le rez-de-chaussée, la chaufferie ne sert pas ceux qui ont un chauffage individuel, le local vélos ne sert qu'à ceux qui en ont. Les charges de ces équipements sont réparties selon l'utilité.

Les parties communes à jouissance privative

Ce sont des parties communes dont l'usage est réservé à un copropriétaire : jardin attenant à un appartement, terrasse sur le toit, place de parking nominative. Le copropriétaire a la jouissance exclusive mais pas la propriété. Il doit en assurer l'entretien courant.

Les éléments d'équipement communs

Certains équipements traversent ou desservent plusieurs lots.

Les canalisations et réseaux

Les colonnes montantes (eau, chauffage, électricité, gaz) sont communes. Les branchements individuels à partir de la colonne jusqu'au lot sont privatifs. Les canalisations d'évacuation (eaux usées, eaux pluviales) sont communes jusqu'au sol du lot, privatives ensuite.

Le chauffage collectif

La chaufferie, les chaudières, les colonnes montantes sont communes. Les radiateurs et robinets dans les lots sont généralement privatifs (selon le règlement). Les compteurs individuels de chauffage sont privatifs mais leur pose et remplacement peuvent être décidés collectivement.

Les systèmes de ventilation

Les VMC collectives, gaines principales et bouches d'extraction dans les parties communes sont communes. Les bouches et grilles dans les lots privatifs sont privatives.

Qui paie quoi ?

La distinction parties communes/privatives détermine qui finance l'entretien et les travaux.

Le principe : chacun finance ce qui lui appartient

Les travaux sur parties privatives sont à la charge exclusive du copropriétaire concerné. Les travaux sur parties communes sont répartis entre tous selon les tantièmes (généraux ou spéciaux selon la nature de la partie commune).

Les exceptions jurisprudentielles

Le remplacement d'une porte palière est à la charge de la copropriété pour sa partie extérieure (esthétique uniforme) et du copropriétaire pour l'intérieur. Les fenêtres : la copropriété paie le remplacement si c'est pour améliorer l'isolation ou l'esthétique générale, le copropriétaire paie si c'est suite à un dommage dans son lot.

Les dégâts des eaux

Si la fuite provient d'une partie commune (colonne montante, toiture), c'est l'assurance de la copropriété qui indemnise. Si elle provient d'une partie privative (robinet, machine à laver), c'est l'assurance du copropriétaire. Les expertises croisées déterminent la responsabilité.

Qui décide quoi ?

Les pouvoirs de décision diffèrent selon la nature de la partie concernée.

Liberté sur les parties privatives

Le copropriétaire est libre de réaliser les travaux qu'il souhaite dans son lot, sous réserve de ne pas toucher aux parties communes (murs porteurs, façades), de ne pas modifier la destination de l'immeuble, de respecter le règlement de copropriété, de ne pas causer de troubles de voisinage.

Vote collectif pour les parties communes

Tous les travaux sur parties communes doivent être votés en assemblée générale selon différentes majorités : entretien courant (majorité simple article 24), travaux de conservation (majorité absolue article 25), travaux d'amélioration (double majorité article 26 ou unanimité selon les cas).

Les litiges fréquents

Beaucoup de conflits naissent d'une mauvaise compréhension de la frontière.

Les balcons et terrasses

La jurisprudence considère que la structure du balcon (dalle) est commune, le sol (carrelage) est privatif, les garde-corps sont communs (élément de façade), l'étanchéité est commune. En cas de fuite depuis un balcon, la copropriété paie sauf si le copropriétaire a mal entretenu le revêtement.

Les modifications de façade

Remplacer une fenêtre par une porte-fenêtre, installer une climatisation visible, poser des volets roulants de couleur différente : tout cela affecte la façade qui est commune. Un vote en AG est nécessaire, généralement à l'unanimité car cela modifie l'aspect extérieur.

L'abattement de murs porteurs

Un mur porteur, même s'il est entièrement dans un lot privatif, est présumé commun car il participe à la solidité de l'immeuble. Son abattement ou modification nécessite un vote en AG (généralement unanimité), une étude de structure par un bureau d'études, des travaux de renforcement avec suivi d'un maître d'œuvre.

Conseils pratiques

Pour éviter les conflits et problèmes juridiques, suivez ces recommandations.

Consultez le règlement de copropriété

La répartition entre parties communes et privatives peut varier d'une copropriété à l'autre. Le règlement de copropriété précise cette répartition, parfois avec des plans. Consultez-le avant tous travaux.

Demandez l'autorisation avant travaux

En cas de doute, interrogez le syndic et demandez une autorisation écrite avant de démarrer. Mieux vaut perdre quelques semaines que de devoir tout défaire ou payer des dommages-intérêts.

Prenez une assurance travaux

Pour les travaux importants dans votre lot (rénovation complète, abattement de cloisons), souscrivez une assurance dommages-ouvrage. Elle vous protège en cas de malfaçons et accélère les réparations.

Conservez les preuves et documents

Gardez les factures, autorisations, photos avant/après travaux. En cas de litige ultérieur (vente, sinistre), ces documents prouvent la régularité de vos interventions.