Fonds de travaux obligatoire : constitution, utilisation et montant en 2025

Qu'est-ce que le fonds de travaux ?

Le fonds de travaux est une réserve financière obligatoire instaurée par la loi ALUR de 2014. Son objectif : permettre aux copropriétés d'anticiper et de financer les travaux de conservation et d'entretien sans recourir à des appels de fonds exceptionnels trop lourds pour les copropriétaires.

L'obligation légale

La constitution du fonds de travaux est obligatoire pour la majorité des copropriétés.

Les copropriétés concernées

Toutes les copropriétés sont concernées, sauf : les copropriétés de moins de 10 lots, les copropriétés dont le syndic est bénévole, les immeubles achevés depuis moins de 5 ans. Pour les autres, l'alimentation du fonds est automatique et obligatoire, sauf vote contraire de l'AG à l'unanimité (quasi impossible à obtenir).

La date d'entrée en vigueur

L'obligation est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Depuis cette date, toutes les assemblées générales doivent prévoir le versement au fonds de travaux dans le budget annuel.

Les sanctions en cas de non-respect

Le non-respect de cette obligation expose le syndic à des sanctions : responsabilité civile et pénale du syndic, nullité potentielle de l'AG si le fonds n'est pas prévu au budget, action en justice des copropriétaires pour forcer la constitution du fonds. Les copropriétaires peuvent également révoquer le syndic pour manquement à ses obligations.

Le montant du fonds de travaux

Le montant à verser chaque année est encadré par la loi.

Le calcul légal

Le montant minimum obligatoire est de 5% du budget prévisionnel annuel (hors charges récupérables auprès des locataires). Exemple : si le budget annuel est de 100 000€ dont 20 000€ récupérables, le fonds minimum = 5% × (100 000 - 20 000) = 4 000€. Ce montant est réparti entre tous les copropriétaires selon leurs tantièmes généraux.

La possibilité d'augmenter le fonds

L'AG peut décider de verser plus que le minimum légal : 10% ou 15% du budget pour constituer rapidement une réserve, montant fixe si des travaux importants sont prévus. Cette décision se vote à la majorité de l'article 24 (majorité simple). C'est une décision judicieuse dans les copropriétés vieillissantes.

Le versement annuel

Le fonds de travaux est appelé avec le budget prévisionnel : soit en une fois lors du premier appel de fonds, soit réparti sur les 4 trimestres. Le montant apparaît distinctement sur les appels de fonds sous la mention "Fonds de travaux art. 14-2".

La constitution progressive du fonds

Le fonds de travaux se constitue année après année.

L'épargne cumulée

Chaque année, les sommes versées s'ajoutent aux précédentes : année 1 : 4 000€, année 2 : 4 000€ (total cumulé 8 000€), année 5 : 4 000€ (total cumulé 20 000€), année 10 : 4 000€ (total cumulé 40 000€). Au bout de 10 ans avec un versement constant de 5%, la copropriété dispose d'une épargne équivalente à 50% d'un budget annuel.

Le placement du fonds

Les sommes doivent être placées sur un compte séparé : compte bancaire dédié au nom de la copropriété, livret A ou compte à terme pour sécuriser et faire fructifier, interdiction de mélanger avec la trésorerie courante. Les intérêts générés reviennent au fonds de travaux.

La comptabilité spécifique

Le syndic doit tenir une comptabilité distincte : inscription au bilan dans un compte spécial "Fonds de travaux", suivi année par année des versements et des utilisations, présentation annuelle en AG de l'état du fonds. La transparence est essentielle pour rassurer les copropriétaires.

L'utilisation du fonds

Le fonds ne peut être utilisé que pour certaines catégories de travaux.

Les travaux éligibles

Seuls les travaux de conservation de l'immeuble peuvent être financés par le fonds : ravalement de façade, réfection de toiture, rénovation des parties communes, remplacement d'équipements collectifs (ascenseur, chaufferie), mise aux normes de sécurité, travaux de rénovation énergétique. Les dépenses courantes d'entretien ne sont pas éligibles.

Les travaux exclus

Le fonds ne peut pas financer : les charges courantes d'entretien (ménage, petites réparations), les frais de gestion du syndic, les honoraires d'études ou d'architecte (sauf si liés à des travaux votés), les travaux d'embellissement pur (non obligatoires). Ces dépenses restent financées par le budget courant ou des appels exceptionnels.

La décision d'utilisation

L'utilisation du fonds nécessite un vote en AG : les travaux doivent d'abord être votés selon les majorités habituelles (article 24, 25 ou 26), puis un vote spécifique autorise l'utilisation du fonds pour financer ces travaux (majorité simple). Le fonds ne se substitue pas au vote des travaux, il en facilite le financement.

Les avantages du fonds de travaux

Ce dispositif présente de nombreux bénéfices pour les copropriétaires.

L'anticipation financière

Le fonds permet d'éviter les mauvaises surprises : plus besoin d'appels de fonds exceptionnels de 5 000 ou 10 000€, lissage des dépenses sur plusieurs années, facilite l'acceptation des travaux en AG car le financement est déjà provisionné. Les copropriétaires peuvent mieux planifier leur budget personnel.

La valorisation du patrimoine

Un immeuble bien entretenu se valorise : travaux réalisés en temps voulu sans attendre l'urgence, maintien du standing de la copropriété, attractivité renforcée en cas de vente. Les acheteurs sont rassurés de voir qu'un fonds de travaux existe et que l'immeuble est bien géré.

L'accès facilité aux aides

Certaines aides publiques exigent un apport personnel de la copropriété : le fonds de travaux peut servir d'apport pour obtenir des subventions ANAH, MaPrimeRénov' Copropriétés, prêts à taux zéro. Sans apport, l'accès aux aides est plus difficile.

Le fonds de travaux en cas de vente

Que devient le fonds quand un copropriétaire vend son lot ?

Le principe de non-remboursement

Les sommes versées au fonds de travaux ne sont jamais remboursées au vendeur : elles restent attachées à la copropriété, elles bénéficient à l'acquéreur qui reprend les droits du vendeur. C'est un argument de vente : le fonds constitué rassure l'acheteur sur la bonne gestion.

La mention dans l'acte de vente

L'acte de vente doit mentionner : le montant total du fonds de travaux de la copropriété, la quote-part du lot vendu (selon ses tantièmes), les travaux éventuellement votés et financés par ce fonds. Cette transparence est obligatoire depuis 2017.

La valorisation du bien

Un fonds de travaux bien doté est un atout : il prouve que la copropriété est saine financièrement, il rassure sur la capacité à réaliser des travaux futurs, il peut justifier un prix de vente légèrement supérieur. À l'inverse, l'absence de fonds dans une copropriété vieillissante est un signal négatif.

Les cas particuliers et dérogations

Certaines situations permettent d'adapter le dispositif.

La suspension temporaire

L'AG peut voter la suspension du versement au fonds à l'unanimité si : la copropriété dispose déjà d'une réserve importante, des travaux exceptionnels nécessitent de mobiliser toute la trésorerie, la situation financière est temporairement difficile. Cette décision doit être motivée et reste exceptionnelle.

Le remboursement exceptionnel

Dans des cas très rares, l'AG peut décider à l'unanimité de rembourser tout ou partie du fonds : dissolution de la copropriété, démolition de l'immeuble, situation financière exceptionnellement favorable. Ce remboursement se fait au prorata des tantièmes de chaque copropriétaire.

Les petites copropriétés exemptées

Les copropriétés de moins de 10 lots ne sont pas soumises à l'obligation. Toutefois, elles ont intérêt à constituer volontairement un fonds : même dans une petite copropriété, des travaux importants surviennent, l'épargne progressive évite les appels de fonds brutaux, cela professionnalise la gestion.

Le fonds de travaux et le plan pluriannuel

Le fonds s'articule avec le plan de travaux à long terme.

Le diagnostic technique global (DTG)

Pour les copropriétés de plus de 10 ans, le DTG identifie : l'état général de l'immeuble, les travaux nécessaires sur 10 ans, leur coût estimatif, l'ordre de priorité. Ce diagnostic permet de calibrer le fonds de travaux : si 200 000€ de travaux sont prévus sur 10 ans, il faut épargner 20 000€ par an.

L'adaptation du montant

En fonction du DTG, l'AG peut décider : d'augmenter le versement annuel (8% ou 10% au lieu de 5%), de créer un fonds complémentaire pour des travaux spécifiques, de planifier les travaux en cohérence avec la constitution du fonds. Cette approche évite les désillusions et les blocages financiers.

Les bonnes pratiques de gestion

Pour optimiser l'utilisation du fonds de travaux.

La communication transparente

Le syndic et le conseil syndical doivent : présenter chaque année l'état du fonds en AG, expliquer les travaux prévus et leur financement, rassurer sur la bonne utilisation des sommes. La pédagogie évite les réticences et facilite les votes.

Le placement sécurisé

Privilégiez des placements sans risque : livret A (plafond 22 950€), compte à terme à capital garanti, compte bancaire rémunéré. Évitez les placements risqués : la priorité est la disponibilité et la sécurité, pas la performance.

L'anticipation des travaux

Ne pas attendre l'urgence : programmer les travaux à l'avance (5-10 ans), constituer le fonds en conséquence, voter les travaux quand le fonds est suffisant. Cette gestion proactive évite les situations de crise et les copropriétés en difficulté.