Loyers impayés et procédure d'expulsion : Guide complet 2025 pour propriétaires et locataires
Introduction : Les impayés de loyer, une situation à traiter rapidement
Les impayés de loyer constituent l'une des principales sources de conflit entre propriétaires et locataires. En 2025, environ 3% des locataires sont en situation d'impayé, représentant un enjeu financier important pour les propriétaires et un risque d'expulsion pour les locataires en difficulté.
Ce guide complet vous explique la procédure légale d'expulsion pour impayés de loyer : étapes obligatoires, délais, commandement de payer, clause résolutoire, assignation en justice, expulsion effective, aides disponibles pour les locataires, et recours possibles. Que vous soyez propriétaire confronté à des impayés ou locataire en difficulté, ce guide vous apporte toutes les réponses.
1. Le cadre légal des impayés de loyer en 2025
1.1. Qu'est-ce qu'un impayé de loyer ?
Un impayé de loyer se caractérise par le non-paiement par le locataire :
- Du loyer (montant principal)
- Des charges locatives (provisions ou régularisations)
- À la date prévue au bail (généralement le 1er ou le 5 du mois)
Attention : Un retard de quelques jours ne constitue pas nécessairement un impayé justifiant une procédure (usage courant d'un délai de grâce de 5-7 jours). En revanche, un retard systématique ou un non-paiement total est un impayé caractérisé.
1.2. Les textes applicables
La procédure d'expulsion est strictement encadrée par :
- Loi du 6 juillet 1989 (article 24) : Procédure d'expulsion pour impayés
- Loi du 9 juillet 1991 (loi Besson) : Clause résolutoire
- Loi DALO de 2007 : Droit au logement opposable et délais d'expulsion
- Loi ALUR de 2014 : Renforcement de la protection des locataires
- Code des procédures civiles d'exécution : Modalités de l'expulsion
1.3. Principe fondamental : Pas d'expulsion sans décision de justice
Règle d'or : Le propriétaire ne peut JAMAIS expulser un locataire de son propre chef, même en cas d'impayés graves. Toute expulsion nécessite :
- Une procédure judiciaire (commandement de payer, assignation, jugement)
- Un titre exécutoire (jugement d'expulsion)
- L'intervention d'un huissier de justice
Interdit sous peine de sanctions pénales :
- ❌ Changer les serrures
- ❌ Couper l'eau, l'électricité, le chauffage
- ❌ Retirer les affaires du locataire
- ❌ Harceler ou menacer le locataire
Sanction : 3 ans de prison + 30 000€ d'amende pour violation de domicile (article 226-4 du Code pénal).
2. La procédure d'expulsion : Les étapes obligatoires
Vue d'ensemble de la procédure
La procédure d'expulsion pour impayés suit un parcours strict en 7 étapes :
- Relances amiables (facultatif mais recommandé) : 1-2 semaines
- Commandement de payer (obligatoire) : Délai de 2 mois
- Assignation en justice : Délai 2-6 mois selon tribunal
- Audience et jugement : Délai 1-3 mois
- Commandement de quitter les lieux : Délai de 2 mois
- Demande de concours de la force publique : Délai 1-4 mois
- Expulsion effective : Par huissier avec ou sans force publique
Durée totale moyenne : 12 à 18 mois entre le premier impayé et l'expulsion effective (hors trêve hivernale).
3. Étape 1 : Les relances amiables (facultatif mais conseillé)
3.1. Pourquoi privilégier l'amiable ?
Avant d'engager la procédure judiciaire, il est fortement recommandé de :
- Contacter le locataire (téléphone, email, courrier simple) pour comprendre la situation
- Proposer un échéancier de paiement si difficultés passagères (perte d'emploi temporaire, retard de salaire)
- Orienter vers des aides (CAF, FSL, Action Logement) si le locataire est de bonne foi
Avantages :
- Résolution rapide sans frais de procédure (huissier, avocat)
- Préservation de la relation locative si régularisation
- Gain de temps (procédure judiciaire = 12-18 mois minimum)
3.2. Modèle de lettre de relance amiable
[Nom du propriétaire]
[Adresse][Nom du locataire]
[Adresse du logement loué]Fait à [Ville], le [Date]
Objet : Relance amiable pour impayé de loyer
Madame, Monsieur,
Je constate que le loyer du mois de [mois] d'un montant de [montant]€ n'a pas été réglé à la date prévue ([date]).
Je vous remercie de bien vouloir régulariser cette situation dans les meilleurs délais. Si vous rencontrez des difficultés financières temporaires, je vous invite à me contacter rapidement afin que nous puissions envisager ensemble une solution amiable (échéancier de paiement, orientation vers des aides).
À défaut de régularisation ou de prise de contact sous 8 jours, je serai contraint(e) d'engager la procédure légale de recouvrement (commandement de payer par huissier).
Restant à votre disposition, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, mes salutations distinguées.
[Signature]
Conseil : Envoyez cette relance en courrier simple (ou email) pour garder une trace, puis passez à la phase 2 si pas de réponse sous 8-15 jours.
4. Étape 2 : Le commandement de payer (obligatoire)
4.1. Qu'est-ce que le commandement de payer ?
Le commandement de payer est un acte d'huissier qui :
- Exige le paiement des loyers et charges impayés dans un délai de 2 mois
- Mentionne que le bail sera résilié de plein droit (si clause résolutoire) ou que le propriétaire assignera en justice à défaut de paiement
- Constitue la première étape obligatoire de toute procédure d'expulsion
4.2. Qui peut délivrer le commandement de payer ?
Seul un huissier de justice peut délivrer un commandement de payer. Le propriétaire ne peut pas le faire lui-même.
Coût : 80-120€ TTC (à la charge du locataire si mention dans le bail, sinon du propriétaire en premier lieu).
4.3. Contenu obligatoire du commandement de payer
Sous peine de nullité, le commandement de payer doit mentionner :
- Le montant exact des sommes dues : Loyers impayés (mois par mois) + charges + intérêts de retard éventuels
- Le délai de 2 mois pour régulariser
- La clause résolutoire si elle existe au bail (reproduction intégrale)
- Les coordonnées des organismes d'aide : FSL (Fonds de Solidarité Logement), CAF, CCAS
- Le droit de saisir la commission de surendettement si dettes multiples
Important : Si l'une de ces mentions manque, le commandement est nul et la procédure doit être recommencée à zéro.
4.4. Signification du commandement de payer
L'huissier signifie (remet) le commandement de payer au locataire selon les modalités légales :
- En mains propres au locataire (idéal)
- À domicile à une tierce personne (conjoint, colocataire, voisin) avec envoi d'un courrier recommandé
- À la mairie si personne au domicile (affichage + LRAR)
Le délai de 2 mois court à partir de la date de signification.
4.5. Que se passe-t-il pendant les 2 mois ?
Le locataire a 2 mois pour :
- Payer intégralement les sommes réclamées → La procédure s'arrête
- Négocier un échéancier avec le propriétaire (accord écrit recommandé)
- Saisir le FSL (Fonds de Solidarité Logement) pour obtenir une aide financière
- Contester le commandement devant le juge (si erreur de montant, clause résolutoire abusive, etc.)
Cas particulier - Paiement partiel :
- Si le locataire paie une partie des sommes, le propriétaire peut accepter (accord amiable) ou refuser (exiger le paiement total)
- Si le propriétaire accepte un paiement partiel, il renonce tacitement à la clause résolutoire pour cette dette (jurisprudence constante)
- Conseil propriétaire : Si vous acceptez un paiement partiel, précisez par écrit que cela ne vaut pas renonciation à la clause résolutoire pour le solde
5. Étape 3 : La clause résolutoire ou l'assignation en justice
5.1. La clause résolutoire : résiliation automatique du bail
Si le bail comporte une clause résolutoire, le bail est résilié de plein droit à l'expiration du délai de 2 mois si le locataire n'a pas payé.
A. Qu'est-ce qu'une clause résolutoire ?
C'est une clause du bail qui stipule :
"Le présent bail sera résilié de plein droit, un mois après un commandement de payer demeuré infructueux, en cas de défaut de paiement du loyer ou des charges à une seule échéance."
Effet : Le bail est automatiquement résilié (fin du contrat) sans besoin de passer par le juge pour la résiliation. Mais le propriétaire doit quand même passer par le juge pour obtenir l'expulsion.
B. Constatation de la clause résolutoire
Après les 2 mois de délai, si le locataire n'a toujours pas payé, le propriétaire peut :
- Faire constater la résiliation par huissier (acte de constat, ~150€)
- Assigner le locataire en expulsion devant le tribunal (procédure accélérée car résiliation déjà acquise)
Avantage : Procédure plus rapide qu'une assignation classique en résiliation + expulsion (gain de 2-4 mois).
5.2. Assignation en résiliation du bail (sans clause résolutoire)
Si le bail ne comporte pas de clause résolutoire (rare, mais possible), le propriétaire doit :
- Attendre l'expiration du délai de 2 mois du commandement de payer
- Assigner le locataire en résiliation du bail + expulsion devant le tribunal judiciaire
Le juge devra :
- Prononcer la résiliation du bail (fin du contrat)
- Ordonner l'expulsion du locataire
- Condamner le locataire au paiement des loyers impayés + intérêts + frais de procédure
Délai : 3-6 mois entre l'assignation et le jugement (selon l'encombrement du tribunal).
5.3. L'assignation en justice : procédure détaillée
A. Qui peut assigner ?
- Le propriétaire (personne physique ou morale)
- L'agence immobilière mandatée (si mandat de gestion avec pouvoir d'agir en justice)
Avocat obligatoire ? Non, devant le tribunal judiciaire pour les affaires locatives, le propriétaire peut se défendre seul. Mais un avocat est fortement recommandé pour sécuriser la procédure.
B. Contenu de l'assignation
L'assignation doit mentionner :
- L'identité des parties (propriétaire et locataire)
- L'objet de la demande : résiliation du bail + expulsion + condamnation au paiement
- Les faits : impayés, commandement de payer, absence de régularisation
- Les fondements juridiques : clause résolutoire ou article 1224 du Code civil (inexécution du contrat)
- Le montant réclamé : loyers impayés + intérêts + indemnité d'occupation + frais de procédure
C. Signification de l'assignation
L'assignation est signifiée par huissier au locataire, avec indication de la date d'audience (fixée par le tribunal).
Délai de comparution : Minimum 15 jours entre la signification et l'audience.
6. Étape 4 : L'audience et le jugement
6.1. Le déroulement de l'audience
À l'audience, le juge entend :
- Le propriétaire (ou son avocat) : Expose les impayés, la procédure suivie, demande la résiliation et l'expulsion
- Le locataire (ou son avocat) : Peut présenter ses moyens de défense (contestation des sommes, demande de délais, proposition de plan d'apurement)
6.2. Les moyens de défense du locataire
Le locataire peut invoquer :
A. Contestation de la dette
- Erreur de calcul des loyers ou charges
- Paiements effectués mais non pris en compte (fournir les preuves : virements, chèques encaissés)
- Compensation avec des travaux non réalisés par le propriétaire (si le locataire a avancé les frais)
B. Vice de procédure
- Commandement de payer irrégulier (mentions manquantes, montant erroné)
- Clause résolutoire abusive ou non reproduite intégralement dans le commandement
- Délai de 2 mois non respecté (assignation avant expiration du délai)
C. Demande de délais de paiement
Le locataire peut demander au juge des délais de paiement (article 1343-5 du Code civil) :
- Durée maximum : 2 ans (24 mois)
- Conditions : Difficultés financières temporaires, bonne foi du locataire, perspectives de régularisation
Effet : Si le juge accorde des délais, l'expulsion est suspendue tant que le locataire respecte l'échéancier. En cas de non-respect, le propriétaire peut demander l'expulsion immédiate.
D. Plan d'apurement (proposition de paiement)
Le locataire peut proposer un plan d'apurement :
- Paiement échelonné des arriérés (ex : 200€/mois pendant 12 mois)
- + Paiement du loyer courant
Si le propriétaire accepte : Le juge homologue le plan et suspend l'expulsion.
Si le propriétaire refuse : Le juge peut quand même imposer des délais s'il estime le plan réaliste et le locataire de bonne foi.
6.3. La décision du juge
Le juge peut prononcer :
A. Résiliation du bail + expulsion + condamnation
Si les impayés sont avérés et la procédure régulière :
- Résiliation du bail à compter du jugement
- Expulsion du locataire avec un délai de 2 mois pour quitter les lieux
- Condamnation au paiement des loyers impayés + indemnité d'occupation (loyer dû après résiliation) + intérêts + frais de procédure
B. Résiliation avec délais de grâce
Le juge accorde des délais supplémentaires pour quitter le logement (3 mois à 3 ans maximum selon situations) :
- Critères : Âge, état de santé, situation familiale, période de l'année, absence de solution de relogement
- Pendant ces délais, le locataire paie une indemnité d'occupation (équivalent du loyer)
C. Débouté de la demande
Si vice de procédure ou contestation fondée de la dette, le juge rejette la demande d'expulsion. Le propriétaire devra recommencer la procédure.
D. Plan d'apurement imposé
Le juge impose un échéancier de paiement et suspend l'expulsion sous condition du respect du plan.
6.4. Jugement assorti de l'exécution provisoire
Le juge peut assortir le jugement de l'exécution provisoire :
- Effet : Le jugement est exécutoire immédiatement, même si le locataire fait appel
- Condition : Impayés importants, absence de bonne foi du locataire, risque de dégradation du logement
Sans exécution provisoire, le locataire peut faire appel et suspendre l'expulsion pendant 12-18 mois supplémentaires.
7. Étape 5 : Le commandement de quitter les lieux
7.1. Qu'est-ce que le commandement de quitter les lieux ?
Après le jugement d'expulsion, l'huissier signifie au locataire un commandement de quitter les lieux qui :
- Lui ordonne de libérer le logement dans un délai de 2 mois
- L'informe que, passé ce délai, l'expulsion pourra être exécutée avec le concours de la force publique si nécessaire
Délai de 2 mois incompressible (sauf urgence absolue validée par le juge).
7.2. Départ volontaire du locataire
Si le locataire quitte volontairement le logement pendant le délai de 2 mois :
- Il évite l'intervention de la force publique
- Il peut organiser son déménagement dans de meilleures conditions
- Les frais d'huissier sont réduits (pas d'expulsion physique)
Conseil locataire : Même en cas d'expulsion, quittez volontairement avant l'intervention de l'huissier pour préserver vos biens et réduire les frais.
8. Étape 6 : La demande de concours de la force publique
8.1. Qu'est-ce que le concours de la force publique ?
Si le locataire refuse de quitter le logement après les 2 mois, l'huissier doit demander le concours de la force publique (police ou gendarmerie) au préfet.
Procédure :
- L'huissier envoie une demande au préfet (avec copie du jugement et du commandement de quitter)
- Le préfet examine la situation du locataire (vulnérabilité, alternatives de relogement)
- Le préfet accorde ou refuse le concours de la force publique
8.2. Délais d'obtention du concours
Délai légal : Le préfet doit répondre sous 2 mois. En pratique, les délais varient de 1 à 6 mois selon les préfectures et la période de l'année.
Cas de refus :
- Locataire en situation de grande vulnérabilité (personne âgée, handicapée, famille avec enfants en bas âge)
- Absence de solution de relogement
- Trêve hivernale (voir section suivante)
Si le préfet refuse, le propriétaire ne peut pas expulser. Il doit attendre la fin de la trêve hivernale ou que la situation évolue.
9. La trêve hivernale : suspension des expulsions
9.1. Période de la trêve hivernale
La trêve hivernale interdit toute expulsion locative du :
1er novembre au 31 mars (5 mois)
Attention : En 2025, la trêve court du 1er novembre 2025 au 31 mars 2026.
9.2. Portée de la trêve
Pendant la trêve hivernale :
- ❌ Aucune expulsion physique ne peut avoir lieu (même avec jugement définitif et concours de la force publique)
- ✅ Les procédures continuent : commandement de payer, assignations, audiences, jugements
- ✅ Les départs volontaires sont possibles (le locataire peut quitter de lui-même)
Conséquence : Si le commandement de quitter les lieux expire pendant la trêve (par exemple, en décembre), l'expulsion ne pourra avoir lieu qu'à partir du 1er avril.
9.3. Exceptions à la trêve hivernale
La trêve ne s'applique pas dans les cas suivants :
- Squat (occupation sans droit ni titre)
- Locaux professionnels ou commerciaux (la trêve ne concerne que les logements)
- Relogement décent et correspondant aux besoins de la famille proposé au locataire (sous conditions strictes)
10. Étape 7 : L'expulsion effective
10.1. Le déroulement de l'expulsion
L'huissier, avec ou sans force publique, procède à l'expulsion physique :
- Convocation du locataire : L'huissier fixe une date et heure d'expulsion (préavis de quelques jours)
- Ouverture du logement : Si le locataire refuse d'ouvrir, l'huissier fait appel à un serrurier (frais à la charge du locataire)
- Évacuation des biens : L'huissier dresse un inventaire et place les meubles en garde-meuble (frais à la charge du locataire, récupération possible sous 2 mois)
- Changement des serrures : Le logement est sécurisé et rendu au propriétaire
10.2. Le coût de l'expulsion
Frais à la charge du locataire :
- Huissier pour l'expulsion : 300-500€
- Serrurier : 80-150€
- Déménageurs/garde-meuble : 500-1 500€ selon le volume
- Force publique : Gratuit (intervention des forces de l'ordre)
Total : 1 000 à 3 000€ en moyenne, récupérables en théorie sur le locataire (condamnation au jugement), mais en pratique souvent non recouvrés (insolvabilité du locataire).
10.3. Que deviennent les biens du locataire ?
- Les biens sont placés en garde-meuble aux frais du locataire
- Le locataire a 2 mois pour récupérer ses biens (sur présentation du jugement et paiement des frais de garde)
- Passé 2 mois sans récupération : Les biens peuvent être vendus aux enchères ou détruits
Protection des objets personnels : Les papiers d'identité, documents administratifs, et objets de première nécessité doivent être remis au locataire ou conservés par l'huissier.
11. Les aides pour les locataires en difficulté
11.1. Le Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL)
Le FSL est une aide financière départementale pour les locataires en difficulté :
- Objet : Payer les arriérés de loyer, les charges, ou le dépôt de garantie
- Montant : Variable selon les départements (500€ à 3 000€, parfois plus)
- Conditions : Difficultés financières temporaires, bonne foi, engagement de régularisation
- Démarche : Demande auprès du Conseil Départemental ou du CCAS (Centre Communal d'Action Sociale)
Délai : 1 à 3 mois entre la demande et le versement. Important : Faites la demande dès réception du commandement de payer.
11.2. Les aides de la CAF
La Caisse d'Allocations Familiales propose plusieurs aides :
A. Allocation de Logement Familiale (ALF) / Aide Personnalisée au Logement (APL)
Si vous ne bénéficiez pas encore des APL, demandez-les d'urgence :
- Conditions : Revenus modestes, logement décent
- Montant : 50€ à 300€/mois selon revenus et composition du foyer
B. Prêt préventif locatif
Prêt sans intérêts de la CAF pour éviter l'expulsion :
- Montant : Jusqu'à 1 000€
- Remboursement : Sur 24-36 mois par prélèvement sur les prestations CAF
11.3. Action Logement (ex-1% Logement)
Loca-Pass : Avance gratuite pour les salariés du secteur privé
- Montant : Jusqu'à 2 000€ pour payer les arriérés
- Remboursement : Sur 36 mois maximum sans intérêts
- Conditions : Être salarié d'une entreprise du secteur privé (>10 salariés) ou jeune de moins de 30 ans
Demande : Sur actionlogement.fr
11.4. Les Points Conseil Budget (PCB)
Accompagnement gratuit pour gérer son budget et sortir du surendettement :
- Diagnostic de la situation financière
- Aide à la constitution des dossiers d'aide (FSL, CAF, surendettement)
- Médiation avec le propriétaire
Trouver un PCB : mesquestionsdargent.fr (annuaire national)
11.5. La procédure de surendettement
Si vous êtes en situation de surendettement (impossibilité de faire face à l'ensemble de vos dettes) :
- Déposez un dossier de surendettement à la Banque de France
- La commission de surendettement examine votre dossier (délai 3 mois)
- Si recevable : Plan de remboursement ou effacement partiel des dettes
- Effet : Suspension des procédures d'expulsion pendant l'examen du dossier (souvent 6-12 mois)
Important : Déposez le dossier dès le commandement de payer pour bénéficier de la suspension.
12. Les recours du locataire contre l'expulsion
12.1. Contestation du commandement de payer
Le locataire peut saisir le juge des contentieux de la protection (tribunal judiciaire) pour contester :
- Le montant réclamé (erreur de calcul)
- L'irrégularité du commandement (mentions manquantes)
- La nullité de la clause résolutoire (abusive)
Délai : Contestation possible jusqu'à l'audience d'expulsion.
12.2. Demande de délais de paiement
À l'audience, le locataire peut demander :
- Délais de paiement (jusqu'à 24 mois)
- Suspension de l'expulsion sous condition de paiement d'un échéancier
Justificatifs à fournir :
- Situation financière détaillée (revenus, charges)
- Demandes d'aides en cours (FSL, CAF)
- Perspectives d'amélioration (nouveau travail, régularisation administrative)
12.3. Appel du jugement
Si le jugement d'expulsion est défavorable, le locataire peut faire appel :
- Délai : 1 mois après la signification du jugement
- Effet : Suspend l'expulsion si le jugement n'est pas assorti de l'exécution provisoire
- Durée : 12-18 mois avant l'arrêt de la cour d'appel
Attention : Pendant l'appel, le locataire doit continuer à payer le loyer courant + une provision sur les arriérés (fixée par le juge), sinon l'appel peut être déclaré irrecevable.
12.4. Demande de relogement (DALO)
Si vous êtes en situation de grande vulnérabilité et menacé d'expulsion, vous pouvez déposer un recours DALO (Droit Au Logement Opposable) :
- Condition : Être prioritaire au titre du DALO (personne sans logement, menacée d'expulsion, logement indigne, handicap, etc.)
- Effet : Obligation pour l'État de vous reloger dans les 6 mois (en théorie, délais souvent plus longs en pratique)
- Procédure : Dépôt du recours DALO auprès de la préfecture
Le recours DALO peut inciter le préfet à refuser le concours de la force publique ou à accorder des délais supplémentaires.
13. Conseils pratiques pour éviter l'expulsion
13.1. Pour le locataire en difficulté
✅ À faire dès le premier impayé :
- ✅ Prévenir immédiatement le propriétaire (ne pas faire l'autruche)
- ✅ Expliquer la situation : Perte d'emploi, maladie, retard de salaire, etc.
- ✅ Proposer un échéancier de paiement réaliste (ex : 50€/mois d'arriérés + loyer courant)
- ✅ Saisir le FSL immédiatement (délai de traitement 1-3 mois)
- ✅ Demander les APL si vous n'en bénéficiez pas encore
- ✅ Contacter un Point Conseil Budget pour aide au budget et médiation
- ✅ Déposer un dossier de surendettement si dettes multiples (suspend la procédure)
❌ Erreurs à éviter :
- ❌ Ignorer les courriers du propriétaire ou de l'huissier
- ❌ Ne pas se présenter à l'audience (jugement par défaut défavorable)
- ❌ Payer d'autres dettes avant le loyer (le loyer = priorité pour éviter l'expulsion)
- ❌ Refuser systématiquement les propositions du propriétaire
13.2. Pour le propriétaire
✅ Prévention des impayés :
- ✅ Souscrire une garantie loyers impayés (GLI) : Coût 2-4% du loyer, couvre jusqu'à 24 mois d'impayés + frais de procédure
- ✅ Demander une caution solidaire (garant) lors de la signature du bail
- ✅ Vérifier la solvabilité du locataire (revenus ≥ 3× le loyer, CDI, pas de fichage Banque de France)
✅ Gestion des impayés :
- ✅ Réagir rapidement dès le premier impayé (relance amiable sous 8 jours)
- ✅ Privilégier le dialogue : Proposer un échéancier si le locataire est de bonne foi
- ✅ Déclencher la procédure rapidement si pas de réponse (commandement de payer dès 1-2 mois d'impayés)
- ✅ Se faire assister d'un avocat pour sécuriser la procédure
- ✅ Activer la GLI dès le commandement de payer (l'assurance prend le relais)
❌ Erreurs à éviter :
- ❌ Expulser le locataire soi-même (violation de domicile = 3 ans de prison)
- ❌ Couper l'eau, l'électricité, le chauffage (sanctions pénales)
- ❌ Accepter des paiements partiels sans préciser que cela ne vaut pas renonciation à la clause résolutoire
- ❌ Négliger la procédure (vice de forme = nullité, tout à recommencer)
14. Modèles de documents
14.1. Modèle de proposition d'échéancier (locataire)
[Nom du locataire]
[Adresse][Nom du propriétaire]
[Adresse]Fait à [Ville], le [Date]
Objet : Proposition de plan d'apurement des loyers impayés
Madame, Monsieur,
Suite aux difficultés financières que je rencontre depuis [date/motif : perte d'emploi, maladie, etc.], je me trouve dans l'impossibilité de régler l'intégralité des loyers impayés d'un montant de [montant total]€.
Étant de bonne foi et souhaitant régulariser ma situation, je vous propose le plan d'apurement suivant :
- Paiement du loyer courant : [montant]€ chaque [date] du mois
- Paiement des arriérés : [montant]€ par mois pendant [durée] mois
- Total mensuel : [loyer + apurement]€
J'ai par ailleurs déposé une demande d'aide auprès du FSL et de la CAF. Je m'engage à vous tenir informé(e) de l'avancée de ces démarches.
Je reste à votre disposition pour échanger sur cette proposition et trouver ensemble une solution pérenne.
Dans l'attente de votre retour, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, mes salutations respectueuses.
[Signature]
14.2. Modèle d'accord amiable (propriétaire + locataire)
ACCORD AMIABLE DE RÈGLEMENT DES LOYERS IMPAYÉS
Entre :
- Le propriétaire : [Nom, adresse]
- Le locataire : [Nom, adresse du logement loué]
Il a été convenu ce qui suit :
Article 1 : Constat de la dette
Le locataire reconnaît devoir au propriétaire la somme de [montant]€ au titre des loyers et charges impayés pour la période du [date] au [date].
Article 2 : Plan d'apurement
Le locataire s'engage à régler cette dette selon l'échéancier suivant :
- À compter du [date], paiement mensuel de [montant]€ (en plus du loyer courant)
- Durée totale : [nombre] mois
- Dernier versement : [date]
Article 3 : Suspension de la procédure
Le propriétaire s'engage à suspendre toute procédure d'expulsion tant que le locataire respecte cet échéancier.
Article 4 : Clause de déchéance
En cas de non-respect de l'échéancier (défaut de paiement de 2 mensualités consécutives), le présent accord sera caduc et le propriétaire pourra reprendre la procédure d'expulsion pour l'intégralité de la dette.
Fait à [Ville], le [Date], en deux exemplaires originaux.
Signature du propriétaire : Signature du locataire :
Conclusion : L'expulsion, une procédure longue et encadrée
La procédure d'expulsion pour impayés de loyer est strictement encadrée par la loi pour protéger à la fois les droits du propriétaire (récupération du bien et des loyers) et ceux du locataire (délais, recours, trêve hivernale).
Les points clés à retenir :
- Durée totale : 12 à 24 mois entre le premier impayé et l'expulsion effective (hors trêve hivernale)
- Étapes obligatoires : Relance amiable → Commandement de payer (2 mois) → Assignation → Jugement → Commandement de quitter (2 mois) → Concours force publique → Expulsion
- Aucune expulsion sans juge : Le propriétaire ne peut jamais expulser lui-même (sanctions pénales)
- Trêve hivernale : 1er novembre - 31 mars, aucune expulsion physique possible
- Aides disponibles : FSL, CAF, Action Logement, Points Conseil Budget, surendettement
- Recours du locataire : Contestation, délais de paiement, appel, DALO
Locataires en difficulté :
- Ne fuyez pas le problème : contactez immédiatement le propriétaire et les organismes d'aide
- Saisissez le FSL dès le commandement de payer (délai de traitement long)
- Proposez un plan d'apurement réaliste
- Présentez-vous à l'audience (ne laissez pas juger par défaut)
- Si surendettement : déposez un dossier Banque de France (suspend la procédure)
Propriétaires :
- Souscrivez une garantie loyers impayés (GLI) pour vous protéger
- Privilégiez le dialogue en cas de difficultés passagères du locataire
- Réagissez vite : commandement de payer dès 1-2 mois d'impayés
- Respectez scrupuleusement la procédure (vice de forme = nullité)
- Faites-vous assister d'un avocat spécialisé
En cas de doute ou de litige, consultez :
- L'ADIL (conseils juridiques gratuits) : anil.org
- Un avocat spécialisé en droit immobilier
- Les Points Conseil Budget pour les locataires en difficulté
L'expulsion est toujours une situation difficile. Le dialogue, la bonne foi et le respect des procédures permettent souvent de trouver des solutions amiables évitant le contentieux. ?⚖️